Se former à l’étranger pour innover à Saint-Luc : le pari réussi d’un boursier de la Fondation Saint-Luc
Le parcours du Pr Antoine Buemi, Chef de Clinique associé au sein du Service de chirurgie et transplantation abdominale des Cliniques universitaires Saint-Luc, incarne parfaitement l’un des enjeux de la Fondation Saint-Luc : la formation de jeunes talents. Grâce à l’octroi, en 2016 et 2021, de deux bourses de perfectionnement, ce scientifique prometteur a pu partir se former à l’étranger, apprendre une procédure médicale en particulier et ramener ce savoir à Saint-Luc pour le développer.
Le Pr Buemi est chirurgien de formation, avec un intérêt particulier
pour la transplantation d’organes abdominaux, plus spécifiquement les greffes
de rein et de pancréas. Quand il est arrivé aux Cliniques universitaires
Saint-Luc il y a près de 10 ans, son promoteur de thèse lui a proposé de
travailler sur la transplantation d’îlots de Langerhans.
Si cet acte médical était connu à Saint-Luc et que des recherches étaient menées dans des laboratoires de l’UCLouvain, il n’y avait pas de projet clinique et le plateau technique devait être renouvelé. Mais comment former le Pr Buemi à ce traitement qui représente une alternative thérapeutique prometteuse pour stabiliser le diabète de type 1 de certains patients ? C’est grâce au soutien de la Fondation Saint-Luc que notre jeune scientifique a pu se rendre à l’étranger pour se former auprès des plus grands experts mondiaux en transplantation d’îlots de Langerhans.
Le parcours du Pr Buemi a commencé aux Etats-Unis, à Miami, référence mondiale dans ce domaine médical en particulier. Cette expérience immersive d’un peu moins de 6 mois lui aura permis d’acquérir des compétences techniques essentielles et de nouer de précieux contacts. Il a ensuite enrichi sa formation dans d’autres centres européens de pointe, notamment à Oslo, Genève, Oxford et Paris. Chaque institution de soins avait ses petites particularités, ses « recettes ». Dès son retour en Belgique, le Pr Buemi a pu créer une procédure adaptée à la réalité clinique de notre hôpital académique.
Le diabète de type 1 : une maladie qui détruit les cellules productrices d’insuline
Avant de « plonger » dans la greffe d’îlots de Langerhans, il est important de comprendre ce qu’est le diabète de type 1. Comme nous l’explique le Pr Buemi : « Le diabète de type 1, autrefois appelé diabète insulinodépendant ou diabète juvénile, est une maladie auto-immune, ce qui signifie que le système immunitaire attaque et détruit les cellules du pancréas qui produisent l’insuline, une hormone essentielle à la régulation du taux de sucre dans le sang (glycémie). Les conséquences peuvent être graves et affecter les vaisseaux sanguins, les nerfs, les reins, les yeux et le cœur. Pour compenser la perte de production d’insuline, les personnes atteintes de diabète de type 1 doivent recevoir de l’insuline de l’extérieur, par des injections quotidiennes ou grâce à une pompe à insuline.
Malheureusement, chez certains patients, les injections quotidiennes d’insuline ne suffisent pas toujours à stabiliser correctement la maladie, avec des variations imprévisibles de leur glycémie, ce qui entraîne des hypoglycémies (taux de sucre trop bas) ou des hyperglycémies (taux de sucre trop élevé) parfois sévères. La gestion du diabète de type 1 consiste à trouver un équilibre entre ces deux extrêmes. »
La greffe d’îlots de Langerhans: une technique de pointe pour stabiliser le diabète de type 1
« La meilleure option de traitement que l’on puisse proposer à un patient diabétique de type 1, c’est la greffe de pancréas vascularisé, c’est-à-dire la transplantation d’un pancréas entier », poursuit le Pr Buemi. « C’est ce qui permet d’obtenir les meilleurs résultats en termes d’insulinodépendance, en permettant de restaurer une production normale d’insuline. Mais il s’agit d’une chirurgie très lourde et risquée qui ne peut être réalisée chez des patients fragiles.
La greffe d’îlots de Langerhans est donc une alternative plus légère à la greffe de pancréas pour certains patients qui souffrent notamment d’un diabète instable, avec une mauvaise gestion glycémique malgré un traitement optimal.»
En quoi consiste la greffe d’îlots de Langerhans? Les explications du Pr Antoine Buemi
Les îlots de Langerhans sont de petits amas de cellules situés dans le pancréas ; ils jouent un rôle essentiel dans la régulation du sucre dans le sang. Ils contiennent plusieurs types de cellules, dont les cellules qui produisent l’insuline. La procédure médicale consiste à prélever le pancréas d’un donneur décédé, à isoler les îlots de Langerhans pour ensuite transplanter, via une perfusion directement dans le foie du patient diabétique, les cellules productrices d’insuline. L’isolement des îlots de Langerhans est toutefois une procédure extrêmement complexe qui requiert une grande expertise, du temps, ainsi qu’une coordination rigoureuse d’une équipe spécialisée. Son objectif est de séparer la composante endocrine du pancréas, les îlots, de sa composante exocrine. Ces îlots, qui représentent à peine 2 % du volume total de l’organe, sont disséminés de manière très hétérogène dans le tissu pancréatique. On peut les comparer à un ciel étoilé, tant leur répartition est dispersée et irrégulière. Au-delà des défis liés à leur isolement, il existe également des difficultés inhérentes à la greffe et à son suivi. Lors d’une transplantation d’îlots pancréatiques, une grande partie des îlots est inévitablement perdue. Ce phénomène, dont le principal responsable est le système immunitaire, explique pourquoi plusieurs greffes d’îlots sont souvent nécessaires pour un même patient. Bien que les patients reçoivent des traitements immunosuppresseurs pour atténuer la réaction immunitaire, ces médicaments présentent de nombreux effets secondaires, parfois difficiles à maîtriser.
Un autre défi majeur de cette transplantation est le suivi postgreffe, particulièrement complexe. Contrairement aux greffes d’organes classiques où l’on dispose d’outils tels que l’imagerie médicale ou les biopsies pour évaluer l’évolution du greffon, le suivi des îlots de Langerhans est plus difficile. Après leur injection dans le foie du receveur, ils se dispersent de manière imprévisible, rendant leur évaluation délicate. On peut certes mesurer si le patient produit de l’insuline, mais en cas d’échec, il est souvent impossible d’en identifier la cause précise. Les îlots transplantés étaient-ils de mauvaise qualité ? Le système immunitaire a-t-il provoqué un rejet ? À ce jour, ces questions restent sans réponse, soulignant la nécessité de poursuivre les recherches.
La recherche médicale joue un rôle crucial dans l’amélioration de cette technique et doit continuer à progresser pour optimiser les résultats des greffes d’îlots de Langerhans et offrir de meilleures perspectives aux patients.
Une première patiente greffée aux Cliniques universitaires Saint-Luc
Aujourd’hui, les Cliniques universitaires Saint-Luc font partie des 2 centres en Belgique qui proposent cette procédure médicale « en routine » ; c’est-à-dire en dehors d’un essai clinique. À l’échelle européenne, il s’agit également d’un très bel accomplissement puisqu’on ne dénombre pas plus de 15 centres qui proposent ce traitement, et seulement 3 dans l’espace Eurotransplant dont la Belgique fait partie. À Saint-Luc, une première patiente a été greffée avec succès en octobre 2024. Parallèlement aux premiers cas en clinique, deux laboratoires des Cliniques universitaires Saint-Luc travaillent à optimiser les mécanismes d’isolement des îlots et à améliorer leur intégration dans l’organisme du receveur.
« Bien que la greffe d’îlots de Langerhans ne permette pas encore aux patients de retrouver une indépendance complète à l’insuline, elle stabilise efficacement les situations les plus complexes dans une majorité de cas », se réjouit le Pr Buemi. « L’objectif est de prévenir les chutes brutales de glycémie et les malaises sévères, ce qui améliore considérablement la qualité de vie des malades. »